Aller au contenu principal

Les bactéries mangeuses de plastique : les recycleurs de la nature

PET-ase bacteria

PET et PETase (JUAN GAERTNER/SCIENCE PHOTO LIBRARY, Getty Images)

PET-ase bacteria

PET et PETase (JUAN GAERTNER/SCIENCE PHOTO LIBRARY, Getty Images)

6

Quels sont les liens avec mon programme d'études?

Partager sur:

Apprends comment les bactéries peuvent aider à résoudre le problème du plastique dans le monde.

Le problème avec le plastique

Pense à tout le plastique que tu vois tous les jours. L’eau que tu bois est embouteillée dans des bouteilles en plastique et les aliments que tu manges sont emballés dans du plastique. Le stylo dans ta main est probablement en plastique, et l’appareil sur lequel tu lis ce texte est aussi fait en partie de plastique. Mais où finit tout ce plastique? Nous espérons que le plastique sera recyclé pour produire du nouveau plastique. Mais la plupart des plastiques ne sont pas recyclés. Les plastiques finissent plutôt dans les décharges et dans nos cours d’eau.

Le savais-tu?

Seulement 9 % des déchets plastiques produits dans le monde sont recyclés.

La quantité de plastique dans l’environnement est aujourd’hui un gros problème. La situation s’aggrave d’année en année. Plus de 12 millions de tonnes métriques (Tm) de plastique sont rejetées dans l’océan chaque année. Tout ce plastique s’ajoute aux 362 millions de tonnes métriques de déchets plastiques qui s’y trouvent déjà. 4,1 millions de tonnes proviennent du Canada.

Tout ce plastique représente un grave problème pour la vie marine. Les déchets plastiques représentent 80 % de tous les débris marins. Il est mangé par des animaux comme les baleines, les poissons et les oiseaux de mer. Ces animaux développent alors des problèmes de santé importants.

D’autres types de déchets plastiques peuvent emprisonner des animaux marins ou les étrangler.

Les microplastiques constituent un autre problème. Les microplastiques proviennent d’objets en plastique plus grands et entrent dans la chaîne alimentaire.

Shown is a colour photograph of a turtle swimming underwater, while tangled in a plastic bag.
La poignée d’un sac d’épicerie en plastique est emmêlée autour du cou d’une tortue de mer (Source : Jag_cz via Getty Images).
Image – Version texte

Voici une photo couleur d’une tortue qui nage sous l’eau. Un sac en plastique est coincé autour de son cou.
L’appareil-photo se trouve juste sous la surface de l’eau bleu foncé. Des bulles et des rayons de soleil sont visibles le long du haut de la photo. La tortue étend ses deux nageoires pour nager. La poignée d’un sac en plastique translucide est enchevêtrée autour de son cou. Le sac est presque aussi grand que la tortue.

L’utilisation du plastique présente de nombreux avantages. Le gros inconvénient, cependant, c’est que la majorité des plastiques ne sont pas biodégradables. Un récipient vide de détergent à lessive qui se retrouve dans l’océan y sera encore dans des centaines d’années. Même le plastique conçu pour être biodégradable prend beaucoup de temps à se décomposer. Pour régler ce problème, il faut faire preuve d’innovation.

Et si quelque chose pouvait manger le plastique?

En mars 2016, des scientifiques du Japon ont fait une découverte surprenante. Les scientifiques ont découvert que certaines bouteilles d’une usine de recyclage avaient été décomposées par des bactéries. La bactérie nouvellement découverte a été baptisée Ideonella sakaiensis.

Le savais-tu?

Cette bactérie a été nommée d’après l’usine de recyclage de Sakai, au Japon.

Ideonella sakaiensis est une bactérie à gram négatif en forme de bâtonnet. Les scientifiques pensent que la bactérie a naturellement évolué pour consommer un certain type de plastique. Depuis un certain temps, les scientifiques pensent à utiliser des microorganismes, comme les bactéries, pour décomposer le plastique. Ils et elles ont surtout essayé d’utiliser des bactéries Escherichia coli (E. coli). Toutefois, l’E. coli ne décompose pas très bien le plastique. Cette bactérie préfère les sucres à tout le reste. Ideonella sakaiensis, en revanche, préfère un type de plastique appelé polyéthylène téréphtalate, ou PET. Le polyéthylène téréphtalate est un type de plastique couramment utilisé pour fabriquer des bouteilles d’eau et des emballages alimentaires.

Consommer une bouteille en plastique

Qu’est-ce qu’on entend par « cette bactérie peut décomposer le plastique »?

Tout d’abord, il est important de savoir que le plastique PET est composé d’unités répétées de C10H8O4. Ce type de molécule s’appelle un monomère. Les monomères peuvent réagir chimiquement avec d’autres monomères pour former de longues chaînes appelées polymères. Les différents types de plastique utilisent différents monomères pour fabriquer des polymères.

Shown is a black and white diagram of the structure of a PET molecule.
Monomère du polyéthylène téréphtalate (PET) (Source : Schippmeister [CC BY-SA 4.0] via Wikimedia Commons).
Image – Version texte

Voici un schéma en noir et blanc de la structure d’une molécule de PET.

La majeure partie de la structure se trouve à l’intérieur d’une paire de crochets étiquetés « n ». Au centre se trouve un hexagone avec des lignes supplémentaires représentant des doubles liaisons sur trois côtés. Des lignes horizontales simples s’étendent à droite et à gauche de l’hexagone. Chaque ligne se transforme en une ligne diagonale double et une ligne diagonale simple. Chacune de ces deux liaisons simples et de ces deux liaisons doubles mène à une lettre « O ».

Une seule ligne horizontale part du « O » en bas à gauche, à l’extérieur du crochet, jusqu’à la lettre « H ». À droite, une autre ligne horizontale part du « O » supérieur. Elle se dirige en diagonale vers le haut, puis redevient horizontale en traversant le crochet « n » de droite. Au bout de cette ligne se trouvent les lettres « OH ».

Les liaisons entre les monomères sont très fortes. C’est ce qui rend le plastique résistant et durable. Tu peux en faire l’expérience toi-même. Essaie de déchirer une bouteille d’eau en plastique avec tes mains. C’est impossible! C’est la solidité des polymères qui permet aux plastiques de demeurer si longtemps dans l’environnement. Les processus naturels ne peuvent normalement que briser le plastique en plus petits morceaux. Ils ne peuvent pas briser les chaînes de polymères.

La bactérie Ideonella sakaiensis est différente, car elle peut briser les liaisons entre les monomères. Elle le fait à l’aide d’enzymes. Les êtres vivants utilisent des enzymes pour de nombreux processus vitaux. Ces enzymes accélèrent les réactions chimiques qui ont lieu dans les cellules.

L’un des rôles courants des enzymes est la digestion. Les enzymes digestives des bactéries ont pour fonction de décomposer les grosses molécules en plus petites. Ces molécules plus petites peuvent alors être absorbées par les bactéries. La bactérie prend ce dont elle a besoin et élimine (excrète) le reste.

Ideonella sakaiensis produit une enzyme appelée hydrolyse du PET (parfois appelée PETase). Cette enzyme permet de briser les liaisons dans le polymère pour former des monomères. La bactérie absorbe ensuite les monomères pour les utiliser comme source d’énergie. Ce phénomène est similaire à la façon dont les humains décomposent les aliments.

Shown is a colour diagram of a tubular purple bacteria with its flagellum touching parts of a water bottle.
Bactéries digérant une bouteille d’eau en plastique (©2023 Parlons sciences).
Image – Version texte

Voici un schéma en couleur d’une bactérie tubulaire violette dont les flagelles touchent des parties d’une bouteille d’eau.

À gauche du schéma, on retrouve une créature courbe en forme de tube violet. C’est une « bactérie ». Des structures longues, fines et courbes s’étendent à partir de l’extrémité droite de la bactérie. Ce sont des « flagelles ». Les flagelles se dirigent vers la bouteille d’eau bleue à droite, où ils touchent de petits cercles orange. La bouteille représente du « plastique », et les points orange l’« hydrolyse du PET ».

Il n’y a pas de temps à perdre!

À première vue, l’utilisation de bactéries semble être un excellent moyen de se débarrasser de tous les déchets plastiques qui polluent l’environnement. Nous pourrions cultiver de nombreuses bactéries Ideonella sakaiensis, l’ajouter aux déchets plastiques et laisser les bactéries se régaler! Malheureusement, cette idée présente quelques inconvénients.

Le premier inconvénient est qu’il y a énormément de déchets plastiques. Depuis l’invention du plastique, nous avons produit 8,3 milliards de tonnes de cette matière. De plus, 79 % de tout ce plastique s’est retrouvé dans les décharges ou dans l’environnement. Il restera là jusqu’à ce que quelque chose vienne enfin le décomposer. Il serait difficile de cultiver suffisamment de bactéries pour manger le plastique que nous envoyons dans l’environnement chaque année, sans parler du plastique qui s’y trouve déjà. Le deuxième inconvénient est que les bactéries digèrent le plastique très lentement.

Shown is a colour photograph of a vast pile of plastic drink bottles.
Un énorme tas de bouteilles en plastique (Source : STORYPLUS via Getty Images).
Image – Version texte

Voici une photo couleur d’un vaste tas de bouteilles en plastique.

Les bouteilles de plastique s’y trouvent en si grand nombre que le tas de déchets ressemble à un paysage vallonné qui s’étend sur toute la photo. Près de l’appareil-photo, des bouteilles sont bien visibles. Certaines sont en plastique transparent et d’autres en plastique vert transparent. Beaucoup sont très sales et la plupart ont encore des étiquettes. Le tas de déchets s’étend au loin.

Les scientifiques se sont donc demandé s’il existait un moyen d’accélérer le processus. En 2018, des chercheurs et des chercheuses de l’Université de Portsmouth ont compris la structure 3D d’une enzyme, la PETase. Cette compréhension leur a permis de mettre au point la PETase pour décomposer les bouteilles en quelques jours, plutôt qu’en quelques mois. Le processus est encore trop lent pour venir à bout de tous les déchets que nous avons créés, mais c’est un bon début. En 2020, des chercheurs et des chercheuses de la même université ont combiné la PETase avec une autre enzyme similaire. Cette combinaison a produit une « super-enzyme » qui fait le travail six fois plus vite.

Il fait chaud, n’est-ce pas?

Un troisième inconvénient est que les enzymes doivent se trouver dans un environnement où la température est supérieure à 30 ℃. Ces environnements ne se trouvent que dans certaines parties du monde. Le reste du monde est trop froid. Cela signifie que les inconvénients du chauffage des bactéries pour leur faire digérer le plastique, à la fois en termes de coûts et d’impact sur l’environnement, sont trop élevés.

Heureusement, des scientifiques suisses ont trouvé des bactéries qui peuvent digérer certains types de plastique à des températures plus froides. Ces scientifiques ont vu que ces bactéries fabriquent des enzymes qui décomposent le plastique à 15 ℃. Ils et elles pensent que les enzymes pourraient fonctionner à des températures aussi basses que 4 °C.

Il faut se débarrasser de tout!

L’inconvénient des bactéries à température froide est qu’elles ne peuvent décomposer que quelques types précis de plastique. C’est un problème que l’on rencontre avec les bactéries mangeuses de plastique en général. Par exemple, seules les bactéries capables de produire de la PETase peuvent décomposer le plastique PET. Et, à température froide, les bactéries ne peuvent décomposer que les plastiques biodégradables comme le polyester-polyuréthane (PUR).

D’autres articles courants sont fabriqués à partir d’un autre type de plastique appelé polyéthylène (PE). Le PE est le plastique utilisé dans les bouteilles de shampoing et de lessive. Il entre aussi dans la fabrication des objets comme les seaux en plastique et les jouets pour enfants. Il n’est pas biodégradable et, jusqu’à présent, nous n’avons découvert aucune bactérie capable de le digérer.

Mais il y a encore de l’espoir. En février 2023, des scientifiques ont suggéré que la réponse pourrait se trouver dans le vers de cire. Les vers de cire sont les larves de la fausse-teigne. Les scientifiques ont découvert que les bactéries présentes dans l’intestin des larvesde la petite fausse-teigne (Achroia grisella) étaient capables de digérer les PE de faible densité. Ce type de plastique est utilisé dans des objets comme les sacs de plastique et le papier bulle. Bien qu’il y ait encore beaucoup de recherches à faire, c’est un début prometteur.

Shown is a colour photograph of five pale grey and beige coloured worms on a table.
Larves de la petite fausse-teigne (Achroia grisella) (Source : Rasbak [CC BY-SA 3.0] via Wikimedia Commons).
Image – Version texte

Voici une photographie en couleur de cinq chenilles de couleur gris pâle et beige posées sur une table.

Les chenilles sont courtes, dodues, courbées et segmentées. Elles sont pour la plupart beige pâle avec des zones plus foncées sur environ les trois quarts de leur corps. Quelques taches de boue se collent à leur corps. La table est en grain de bois marron clair.

Ce qui entre doit sortir

La dernière chose à noter à propos des bactéries mangeuses de plastique est qu’elles produisent des déchets; un peu comme nous avec la nourriture que nous mangeons! Ces déchets se présentent sous la forme de petits monomères à partir desquels le plastique a été fabriqué. On dirait un liquide gluant. Contrairement à d’autres déchets, ce déchet a quelques utilisations potentielles. Il peut être recyclé en d’autres objets en plastique. Par exemple, une usine de recyclage en France utilise des bactéries pour décomposer le plastique PET. Les déchets sont utilisés pour fabriquer de nouveaux objets en PET qui, selon les chercheurs et les chercheuses, sont aussi bons que le plastique PET ordinaire.

L’avenir de l’utilisation des bactéries pour décomposer le plastique semble prometteur, et peut-être un peu visqueux.

Des Scientifiques Ont Découvert Des Bactéries Mangeuses de Plastique (2018)
Cette vidéo (8 min 40 s) de Sympa explique la technologie des enzymes, la quantité de plastique finit chaque année dans nos océans, combien de temps le plastique met-il pour se biodégrader et comment réduire ton utilisation du plastique.

Une enzyme pour dégrader le plastique (2018)
Cette vidéo (6 min 10 s) de Radio-Canada Info explique la découverte d'une enzyme capable de dégrader le plastique. Est-ce la bonne solution pour contrer ce fléau qui pollue terres et océans ?

Des larves dévoreuses de plastique au secours de la planète. (2017)
Dans cette vidéo (1 min 16 s) de TV5Monde, rencontrez la chercheuse qui a découvert comment ces larves mangeaient son sac plastique.

Références

Ali, S.S., T. Elsamahy, D. Zhu and J. Sun (2023). Biodegradability of polyethylene by efficient bacteria from the guts of plastic-eating waxworms and investigation of its degradation mechanism. Journal of Hazardous Materials 443(B): https://doi.org/10.1016/j.jhazmat.2022.130287

Carpenter, S. (Mar 10, 2021). The Race to Develop Plastic-Eating BacteriaForbes.

Carrington, D. (Sept 28, 2020). New super-enzyme eats plastic bottles six times fasterThe Guardian.

Castro, J. (April 26, 2014). How Do Enzymes Work? Live Science.

Daniell, K. (Apr 16, 2018). Engineering a plastic-eating enzymeEurekaAlert!

Dutfield, S. (Mar 23, 2022). Plastic-eating bacteria: Genetic engineering and environmental impactLive Science.

European Climate, Infrastructure and Environment Executive Agency (August 3, 2023). New LIFE for waste plastic.

Geyer, R., J. R. Jambeck and K. L. Law (Jul 19 2017). Production, use, and fate of all plastics ever made. Science Advances 3(7): https://doi.org/10.1126/sciadv.1700782

Horton, H. (May 10, 2023). Microbes discovered that can digest plastics at low temperaturesThe Guardian.

Kaur, K., S. Sharma, N. Shree and R. Mehrotra (2023). Recent Advancements and Mechanism of Plastics Biodegradation Promoted by Bacteria: A Key for Sustainable Remediation for Plastic Wastes. Biosciences Biotechnology Research Asia 20(1): http://dx.doi.org/10.13005/bbra/3063

Morris, A. (Feb 6, 2023) How waste-eating bacteria digest complex carbonsNorthwestern Now.

Ruthi, J., M. Cerri, I. Brunner, B. Stierli, M. Sander and B. Frey (2023). Discovery of plastic-degrading microbial strains isolated from the alpine and Arctic terrestrial plastisphere. Frontiers in Microbiology 14. https://doi.org/10.3389/fmicb.2023.1178474

Tournier, V., C.M. Topham, A. Gilles, B. David, C. Folgoas, E. Moya-Leclair, E. Kamionka, M.-L. Desrousseaux, H. Texier, S. Gavalda, M. Cot, E. Guemard, M. Dalibey, J. Nomme, G. Cioci, S. Barbe, M. Chateau, I. Andre, S. Duquesne, and A. Marty (2020). An engineered PET depolymerase to break down and recycle plastic bottlesNature 580: 216-219.

Wilkes, R.A., J. Waldbauer, A. Caroll, M. Nieto-Dominguez, D. J. Parker, L. Zhang, A.M. Guss and L. Aristilde (2023). Complex regulation in a Comamonas platform for diverse aromatic carbon metabolismnature chemical biology 19: 651-662.

World Economic Forum (January 2016). The New Plastics Economy: Rethinking the future of plastics.

Yoshida, S., K. et al. (Mar 11, 2016). A bacterium that degrades and assimilates poly(ethylene terephthalate). Science 351(6278): 1196-1199. https://doi.org/10.1126/science.aad6359.